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Auteur Photographe, DVD l’acte manqué.

Dire : « ce n’est pas le matériel qui fait les bonnes photos » est une évidence, mais cela mérite une explication. Une photo est une représentation de l’esprit et une œuvre artistique lorsque l’on souhaite réaliser pleinement son métier de photographe. Il faut toujours se poser la question de la finalité professionnelle de nos prises de vue. Quelles conceptions avons-nous de notre métier ? Une simple logique commerciale ou la volonté de produire de la qualité en respectant l’esprit photographique du professionnel qui veut retranscrire une ambiance, un témoignage et une histoire singulière. Au fond, que veux transmettre le photographe ? L’idée de graver un tas de photos sur un DVD, juste pour la quantité, pas pour la qualité est difficile à supporter. Mais, c’est dans l’ère du temps. La photo n’est pourtant pas un produit de linéaire de supermarché. Cette collection d’images, retenues et mise en scène par le photographe, doit avant tout faire vibrer, voyager, rencontrer, découvrir, informer, ou pleurer. Cet exemple a pour but de démontrer que la quantité n’est rien, seul compte la qualité et le soin apporté pour atteindre ce but.

 

Pour aller plus loin dans le propos, il faut s’intéresser, pour qualifier le travail du photographe, non seulement sur la prise de vue mais sur l’intervention post-prise de vue. Sans passage par la post-production, l’image ci-dessous est moyenne, juste une photo au milieu des autres. Pour un auteur-photographe, la différence entre « pousser » un tas de photos sur un DVD, ou retravailler une sélection d’images est juste énorme. Un DVD est un acte manqué. Pour illustrer le propos, cette image (ci-dessous) provient d’un reportage de 1 700 photos, « un gros tas », dans lequel sont cachées quelques perles rares. Retravailler avec soin 1700 photos  n’a aucun intérêt, ne rien faire de ces 1700 photos non plus.  Juste les graver sur un DVD, puis les laisser dormir sur un disque dur…

 

Ce « tas de photos » ne prend vie, qu’une fois passé à la moulinette de l’esprit de son créateur. Le bon photographe est un auteur, ce n’est pas une bête de somme. Demander à un artiste de faire un travail à la chaîne, c’est ne pas utiliser ses compétences. Il est impossible de vibrer sur une simple compilation d’images et de se satisfaire de cette démarche. Nous avons une exigence professionnelle à affirmer et à maintenir. L’intervention photographique du professionnel fait la richesse de notre métier qui pose un regard particulier dans la réalisation  de la photo et une technicité dans la mise en forme de celle-ci sur papier.

Pour poursuivre mon propos, voici un exemple :

La photo brut.
La photo brut.

Pour moi, la pratique photographique demande la maîtrise d’une procédure qui demande du temps, de la patience et du discernement pour sélectionner et retenir les meilleurs clichés : déjà à la prise de vue, on tourne autour du sujet : c’est joli, mais si je la prenais comme ceci, puis comme cela. Au bout du compte, c’est la petite soeur d’une série d’une quinzaine d’images qui sera retenue. Au fond, la prise de vue n’est pas une simple « poucette » où il suffit de « mitrailler » en rafale les actions à prendre. C’est le scénario et la mise en scène que l’on veut créer qui interviennent dans la fabrique des images et des prises de vue que l’on fera : « à la prise de vue on se fait un film, et déjà dans sa tête l’image finale prend vie ». Fin de la première étape…

Après avoir importé et sauvegardé les clichés, arrive le temps de la sélection : bon, bien, pas bon, puis passage à la phase de la correction rapide et de l’excitation dans la composition esthétique retenu. Puis la décision : « cette photo va briller », mais pour autant l’intervention du photographe n’en reste pas là. Une autre phase se profile et va largement participer à produire et impulser de la qualité. Il est alors possible d’observer toutes les phases du travail sur cette image : sélection, correction de la température de couleur, adoucissement des plis de la nappe, sur les objets renforcement du contraste, renforcement de la saturation des couleurs, renforcement de la netteté… Le travail du photographe ne se réduit pas à la prise de vue et à la pratique intempestive de la « poucette », faisant croire qu’il suffit de faire des centaines de clichés pour se dire photographe. En plus de la qualité de la prise de vue qui nécessite déjà une compétence certaine, et après la sélection des meilleurs clichés, une ingénierie technique est nécessaire qui va bonifier le cliché retenu et en faire une photo professionnelle comme expression  d’une intervention esthétique et artistique que je revendique dans ma façon de faire mon métier de photographe. Dès lors, ce n’est qu’après toutes ces différences phases que le cliché passe à la moulinette et vient composer l’album final dans une mise en scène qui donne un esprit global à cette œuvre réalisée. Ce n’est qu’à ce moment, que l’on a le sentiment d’avoir accompli le travail et comme le dit si bien la formule : « fait le job » !!!

 

 

post-production
La photo après la post-production.

Pour résumé que retenir de tout cela ? L’aboutissement de la phase de création d’images est la réalisation d’un scénario qui sera la traduction d’une alliance entre ce que les gens ont souhaité présenter lors des prises de vue et la manière dont le photographe a su retenir et exprimer les impressions recherchées, parfois dévoilées en catimini mais que le professionnel doit révéler par la qualité des prises de vue effectuées et la combinaison des photos réalisés et retenus. Le DVD ne peut en aucun cas exprimer cela. Il ne peut exprimer l’art photographique que je cherche à réaliser en élaborant l’ouvrage iconographique final qui sera transmis aux personnes : « donner le meilleur de soi pour une création au service d’un bel objet, livre, album ou tirage de collection ! »

Synthèse réalisée par J. Corneloup, laboratoire Territoires PACTE, Grenoble, suite à un entretien avec P. Somelet

1 commentaire

  1. […] J’ai déjà écrit ici que je n’étais pas fan de la solution DVD, voir ici. […]

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